Des saloons enfumés au confort de son canapé : l’évolution du poker
0À l’origine il y a des « Lying Games », des parties de cartes où les joueurs bluffaient (« mentaient ») pour cacher leurs mains à leurs adversaires… Et oui, le poker a bien changé depuis le temps de Bill Hickok. Il est loin en effet le temps des saloons dont les portes battantes s’ouvraient sur une pièce enfumée pour révéler des hors-la loi ou des chercheurs d’or attablés à jouer aux cartes. Le cowboy entrait dans la pièce, jetait une poche de pièces sur la table et la partie pouvait commencer. On doit bien l’avouer, aujourd’hui c’est plutôt Chia seeds* et yoga (*graines de sauge)!
Image, joueurs, stratégie… Penchons-nous sur l’évolution du poker.
S’il est une figure légendaire du Far West, c’est bien Bill « Wild » Hickok. Joueur de poker invétéré et relativement susceptible de la gâchette, il est tué en 1876 dans le « Saloon numéro 10 » de Deadwood, une petite ville du Dakota du Sud. Le seul événement notable que l’on puisse d’ailleurs attribuer à Deadwood. Ce soir-là, Bill Hickok est tué d’une balle dans la nuque, quelques semaines seulement après son arrivée en ville, après avoir passé la soirée à jouer au poker. La légende veut que Wild Bill eut pour habitude de ne jamais s’asseoir dos à la porte. Jamais… Jusqu’à ce jour de 1876. Avec son décès est née une expression, le nom d’une main : « Dead Man’s hand », ou « La main du mort » (il y a toujours des spéculations sur la main qu’avait Bill au moment de son décès)…
Amateurs de séries télé, vous vous dites probablement que ce nom vous est familier ? C’est sans doute parce que vous connaissez la série « Deadwood » (2004-2006), un western revisité par HBO, qui retrace la ruée vers l’or, dont l’action se passe effectivement à Deadwood, où règne corruption et crime. Des personnages historiques tels Calamity Jane ou Bill Hickok se croisent au fil des épisodes.
C’est dans un ouvrage de Jonathan H. Green (« An exposure of the Arts and Miseries of Gambling ») que la première référence au mot « poker* » apparaît (le mot viendrait du français « poque »). Ce livre nous replonge dans l’univers des bateaux-casinos sur le Mississippi au début du XIXème. Les débuts du poker moderne arrivent quant à eux avec la naissance du « 5-card Stud », inventé par des soldats américains en 1870 au moment de la guerre de Sécession.
Alors oui dans l’imaginaire collectif, le poker c’était plutôt « Ok Coral », les bateaux du Mississippi, les « Speak » Easies (bars clandestins, eux aussi enfumés) lors de la prohibition et plus tard l’arrivée du World Series of Poker à Vegas en 1970 (where else me direz-vous ?).
Mais qu’en est-il aujourd’hui ?
Salles de poker en ligne et smartphones
L’arrivée du poker en ligne va révolutionner la pratique. En 2003, Chris Moneymaker remporte les championnats du monde (World Series Of Poker) et 3 millions de dollars, en se qualifiant via un satellite sur Internet. Il incarne le rêve de tout joueur amateur devenu réalité : quelqu’un, venu de nul part, qui remporte une somme incroyable ! Gagner de l’argent avec les cartes : voilà le rêve américain…
Surfant sur la visibilité nouvelle offerte par le World Poker Tour, des développeurs ont, de leur côté, sorti des jeux de consoles destinés à attirer un nouveau public vers le poker, celui des jeunes joueurs de console. Parallèlement, le poker en ligne s’est développé sur des supports mobiles, sonnant le glas des jeux de console et les propulsant dans la catégorie « has been ». Sur votre canapé ou dans le train, vous pouvez vous entraîner sans stress et miser petit en attendant de vous mesurer aux grands dans les casinos et de suivre, je vous le souhaite, le parcours de Moneymaker.
Tout ce qu’il vous faut désormais, c’est une connexion internet. Rejoignez ensuite l’une des plateformes de poker en ligne et commencez à jouer : Taxas Hold’em ou Omaha li-ho, à vous de voir. Chaque plateforme a son application, on peut se mesurer à des joueurs du monde entier, depuis son salon, en pyjama.
Démocratisation du jeu
L’histoire récente du poker est liée à internet et au poker en ligne dans la mesure où ce dernier (en parallèle du poker vidéo) ont apporté quelque chose de nouveau. En effet, on a assisté à une démocratisation du jeu de cartes : on l’a vu, tout le monde peut désormais y jouer, il suffit d’une connexion internet. Autre élément : en surfant sur le web, le nombre de ressources disponibles pour apprendre à jouer ou perfectionner sa stratégie est exponentiel. Tutoriels, guides et vidéos sont là pour vous aider à peaufiner votre jeu.
Une conséquence de cette démocratisation du poker est le fait que l’écart entre les pros et les amateurs s’est considérablement réduit. On a aujourd’hui un niveau uniformisé et c’est ainsi que des amateurs sont propulsés à la table des pros (comme John Hesp, Benoit Saout).
Cette nouvelle accessibilité a donné au Texas Hold’em une grande popularité.
ARJEL – Analyse trimestrielle du marché des jeux en ligne en France, fin 2017
En 2010, les autorités françaises ont ouvert les jeux en ligne (paris sportifs, paris hippiques, poker en ligne) à la concurrence. Une autorité administrative indépendante en charge de la régulation de ce nouveau marché a alors été créée : l’ARJEL (Autorité de Régulation des Jeux En Ligne). Pour ce qui est du poker en ligne est autorisée l’organisation de cash game ou de tournoi de Texas Hold’em, Omaha li-ho ou Seven-card Stud. Si l’on en croit le rapport de l’ARJEL datant de la fin d’année, les chiffres du poker en ligne (cash game ou tournois) sont à nouveau à la hausse en 2017 (alors qu’ils étaient en baisse depuis 2011).
On note également que la façon de « consommer » le poker a radicalement changé depuis 2010. Aujourd’hui, les applications mobiles ont pris le pas sur l’ordinateur. L’offre mobile est vaste et attire des joueurs itinérants, plus jeunes.
Le Mental Game
Si l’image du jeu a changé, le profil de joueurs a lui aussi changé. Le vidéo poker et le poker en ligne ont attiré des joueurs plus jeunes et avec eux, une nouvelle approche du poker, plus technique, plus « scientifique », preuve que le poker n’est en rien un jeu de chance !
Le livre du coach Jared Tendler et Barry Carter, The Mental Game of Poker, s’attache à définir le rôle que joue le mental dans la préparation. Le poker est un jeu qui nécessite de la concentration, de l’attention, de la patience. Il faut être présent, c’est à dire « être dans le moment présent » pour reprendre une expression chère à Eckart Tollé. Le moment présent est en effet au cœur de la pleine conscience, très tendance ces derniers temps. Pleine conscience, yoga, méditation… Les pros de nos jours ont un mode de vie sain (de quoi faire Wild Bill se retourner dans sa tombe !) et nombre d’entre eux pratiquent le yoga pour perfectionner leur approche physique et mentale du jeu.
Prenez le Suédois Martin Jacobson, vainqueur en 2014 du No-limit Texas Hold’em du Main Event aux World Series of Poker. Partisan d’une alimentation saine et bio, la nutrition, le yoga, le reiki et la méditation font partie intégrante de la préparation pour Jacobson. Plus encore, c’est un style de vie. Le poker est en effet un sport d’endurance. On peut jouer pendant 24 heures et on doit rester concentré. Pour Martin Jacobson, « le poker est une constante forme de stress. La méditation calme votre système nerveux et améliore votre attention ».
Une nouvelle ère : Liberatus et Watson
Le futur ? Sans aucun doute, l’intelligence artificielle. Les robots de Watson d’IBM (plus connus pour avoir battu les meilleurs joueurs à Jeopardy), jouent au poker et Libratus a battu récemment 4 joueurs de poker comptant parmi les meilleurs. Bien loin donc les duels du Far West, le duel contemporain, c’est l’homme contre la machine.